Vous trouverez ci-dessous un article paru sur le site de Momagri le 09/10/2017
Les choix d’application de la réforme de 2014 en matière d’aides couplées montrent que, longtemps considérées comme en voie de disparition, les aides couplées reviennent en grâce auprès d’une majorité d’Etat Membres. Leur poids a sensiblement augmenté pour représenter dans la programmation actuelle 10% des aides directes du premier pilier. Cette évolution traduit l’insatisfaction grandissante vis-à-vis des aides découplées et la volonté politique de disposer d’outils pour orienter les systèmes de production. Bien que la Commission européenne se montre toujours assez rigoriste quant à l’usage de ces aides pour lequel les Etats Membres doivent prouver qu’il s’agit de productions en déclin, la réforme de l’Omnibus vient de donner la possibilité de réviser annuellement la répartition des aides couplées. Pouvoir réviser ces aides en fonction des prix pour entrer dans une logique contracyclique pourrait encore en améliorer l’efficacité, devrait-il être le prochain pas ?
A partir des données fournies par la Commission européenne1 sur les choix d’application des aides couplées nous avons réalisé différentes représentations graphiques pour mettre en évidence le retour en grâce des aides couplées. Il faut en effet rappeler qu’alors que cela n’avait pas été envisagée dans la proposition de la Commission, les ministres du Conseil et le Parlement européen ont négocié de plus grandes latitudes dans l’usage des aides couplées. Pour faire simple, les Etats membres qui avaient encore des aides couplées pouvaient choisir d’utiliser jusqu’à 13% de leur enveloppe du premier pilier et ceux qui n’en avaient plus jusqu’à 8%. A ce montant, 2% supplémentaires pouvaient être engagés sur des aides aux cultures riches en protéines. Enfin, différentes dérogations ont été prévues qui permettent notamment, comme le montre le graphique ci-dessous à Malte de consacrer 57% de son premier pilier à ce type d’aides.
Classement des Etats membres selon la part des aides couplées dans les aides directes totales
Un bloc sud et un bloc est
La figure ci-dessus montre que 20 pays ont utilisés au maximum ou en grande partie les latitudes octroyées. On peut même ajouter à cette liste l’Ecosse qui contrairement au reste du Royaume-Uni a largement eu recours à cette modalité. La carte ci-dessous permet en effet de constater que les pays du sud (France et Belgique comprises) ainsi que les pays de l’est de l’Europe (dont la Suède et la Finlande) sont ceux qui ont le plus confiance dans les aides couplées. Entre ces deux blocs, on retrouve l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche et le Danemark, pays qui préférent utiliser le second pilier pour cibler les paiements aux formes d’agriculture à soutenir.
Part des aides couplées dans les aides directes du Pilier 1
En valeur absolue, les principaux pays qui utilisent les aides couplées sont la France (1.091 Milliard d’euros), l’Espagne (585M€), la Pologne (507M€) et l’Italie (429M€) comme le montre la figure ci-dessous. Ces quatre pays réunis concentrent 63% des aides couplées européennes (respectivement 27%, 14%, 12% et 10%).
Classement des Etats membres par le montant des aides couplées
Des profils par pays différents
Parmi les principaux utilisateurs d’aides couplées, la France et l’Espagne ont un profil assez similaire : environ 85 % des aides couplées sont réservées aux productions animales. Ainsi 60% de l’enveloppe française est consacrée aux bovins viande, 12% aux bovins lait et 12% aux ovins et caprins. La Pologne laisse une plus grande place aux productions végétales notamment la betterave. Enfin, l’Italie a un profil très varié avec les céréales (blé dur pour 19%) et la catégorie « Autres » qui recouvre en particulier les oliviers (16%).
Répartition des aides par secteur selon l’Etat membre
Répartition par produits : viande bovine et ovin-caprin en tête
Le graphique nous montre que 24 des 28 Etats membres ont choisi de soutenir leur production de viande bovine. Ils sont également 22 à l’avoir fait pour les ovins-caprins ; 19 pour le lait et les fruits et légumes et 16 pour les protéagineux.
Nombre de pays inscrits aux aides couplées par secteur
En considérant les montants en jeu, la viande bovine reste en tête puisque 42% du total des aides couplées en Europe lui sont consacrées. Il s’agit surtout d’aides à la vache allaitante (78%) même si des aides liées à l’engraissement sont également observées (pour 15% des montants dédiés à cette aide, l’information détaillée sur le type d’animaux aidés n’est pas disponible). Les ovins-caprins bénéficient de 12% de l’enveloppe sachant que les ovins sont davantage soutenus que les caprins (même si les données disponibles ne permettent ne connaitre la répartition pour environ 32% des montants).
Les fruits et légumes bien que soutenus dans 19 pays ne reçoivent que 5% de l’enveloppe. Il s’agit d’aides au secteur de la tomate, aux agrumes ou aux arbres fruitiers. Inversement, le secteur des vaches laitières est soutenu également dans 19 pays mais mobilise 20% de l’enveloppe.
Répartition des aides couplées par secteur
Focus sur la viande bovine, les vaches laitières et la betterave
Les montants d’aides par animal ou par hectare sont différents entre les pays. Chaque pays dispose d’une enveloppe qu’il répartit selon ses choix tout en respectant un plafond en nombre de têtes éligibles ou en hectares éligibles. En divisant l’enveloppe par le nombre d’unités éligibles maximales, on approche le montant moyen par type de production pour chaque pays.
Viande bovine – Aides à la vache allaitante
Comme le montre la figure ci-dessus, le montant moyen d’aides par vache allaitante varie entre 55€ pour la Pologne et 216€ pour la Hongrie. En France, ce niveau se situe à 168€ ; mais la France comme d’autres pays ont choisi d’introduire une dégressivité dans le versement des aides : dans chaque exploitation les 50 premières vaches reçoivent 175€, les 49 suivantes 130€ et les 40 suivantes 69€ (estimation 2017 avant ajustement à l’issue de la campagne).
Lait – Aides à la vache laitière
En réalisant le même calcul pour les vaches laitières, on obtient les résultats présentés ci-dessous : le montant d’aides par vache laitière atteint 504€ en Finlande. Ce pays s’est choisi un plafond de vaches laitières admissibles très bas pour cibler certaines régions et types d’exploitation : le plafond correspond à 25% du nombre de vaches laitières recensées par Eurostat. En revanche, ce n’est pas le cas pour la Hongrie qui arrive en second en termes de montant d’aides couplées par vache laitière avec 300€ : son nombre de vaches admissibles est légèrement inférieur au nombre de vaches réellement présentes dans les exploitations magyares.
Betterave – Aides à l’hectare
Enfin, le cas de la betterave où seulement 10 pays ont choisi de soutenir cette production marquée par la sortie des quotas sucriers en 2017. Avec 600€ par hectare la Roumanie a choisi de protéger son secteur sucrier déjà très en difficulté ces dernières années. Mise à part la Pologne qui concentrait 13% des surfaces européennes de betteraves, les 9 autres pays sont des producteurs plutôt modestes. Ils comptaient néanmoins en 2015 pour 29% des surfaces européennes de betteraves. Tous ces pays ont arrêté des surfaces admissibles légèrement supérieures à leurs surfaces réelles d’alors : les montants d’aides ici calculés concernaient donc l’essentiel des surfaces.
Frédéric Courleux, Directeur des études d’Agriculture Stratégies
Anh Lai, Chargée d’études économiques pour Agriculture Stratégies
1https://ec.europa.eu/info/food-farming-fisheries/key-policies/common-agricultural-policy/income-support/additional-optional-schemes/voluntary-coupled-support_en#vcsexplained