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La sécurité alimentaire à l’épreuve des goulets d’étranglement du commerce international

Vous trouverez ci-dessous un article paru sur le site de Momagri le 03/07/2017


Le très influent think tank britannique Chatham House – the Royal Institute of International Affairs vient de publier un rapport tout à fait original sur la sécurité alimentaire mondiale mêlant géopolitique et logistique des échanges internationaux intitulé « Goulets d’étranglement et vulnérabilité dans le commerce alimentaire international »1.

A partir d’une analyse des dépendances et des flux de marchandises, 14 goulets d’étranglement du commerce international ont été identifiés comme majeurs pour la régularité des échanges et la sécurité alimentaire mondiale. Aux côtés des voix maritimes comme le Canal de Panama, le Détroit de Malacca ou le Bosphore, on trouve également des routes terrestres ferroviaires ou routières ainsi que des zones portuaires. Ces zones de transit de marchandises agricoles sont d’autant plus sensibles qu’elles sont exposées à différents risques (tempêtes et inondations, conflits, piraterie, instabilité politique, crime organisé, terrorisme) menaçant leur bon fonctionnement. En outre, faute d’investissements suffisants, certains de ces goulets sont également menacés d’obsolescence en particulier en Russie, en Ukraine, au Brésil et aux Etats-Unis.

Les auteurs du rapport font le constat que l’importance systémique de ces points de passage est négligée dans les enceintes internationales traitant de la sécurité alimentaire mondiale ainsi que par la plupart des pays. La Chine constituerait la principale exception à ce désintérêt : la « Belt and Road Initiative » (ou les nouvelles routes de la soie) est pris en exemple tout comme les investissements chinois au Brésil dans les infrastructures routières et dans le projet pharaonique à 60Md de dollar devant relié par chemin de fer l’Atlantique et le Pacifique entre le Brésil et le Pérou. Le projet du Canal de Kra qui devrait désengorger le Détroit de Malacca en creusant au sud de la Thaïlande dans la péninsule malaisienne, figure également parmi les manifestations de cette prise de conscience.

Etablissant un parallèle stimulant avec le pétrole, le rapport appelle à une meilleure compréhension de la vulnérabilité des échanges internationaux de produits agricoles afin de véritablement faire émerger une coopération internationale sur ces sujets. Il en effet rappelé que l’Association Internationale de l’Energie qui regroupe les principaux pays consommateurs de pétrole dispose d’une stratégie commune dans le but de limiter leur exposition au risque de rupture d’approvisionnement. Imaginé par Henry Kissinger en 1974 et véritablement mis en place en 1978, ces pays doivent en particulier s’engager à disposer sur leur sol de réserve à hauteur de 90 jours de consommation de pétrole.

Rappelant les avancées du G20 en 2011 avec la création d’AMIS (Agricultural Market Information System) – comme moyen d’améliorer la coopération entre les principales économies mondiales sur les sujets agricoles – les auteurs du rapport recommandent d’aller plus loin notamment sur les capacités de stockage. Se référant à l’exemple de l’ASEAN+3 dans lequel les principaux pays du sud-est asiatique ont mis en place une mutualisation partielle de leurs réserves stratégiques de riz, ils en appellent également à la responsabilité des pays exportateurs de disposer des capacités de stockage suffisante pour approvisionner leurs clients habituels et ainsi améliorer la confiance réciproque. En impliquant également le secteur privé, il s’agirait aussi « d’outsourcer » la fonction de stockage par l’intermédiaire d’accords définissant des droits d’accès préférentiel et des conditions de prix prédéfinis.

D’autres éléments stimulants sont également introduits dans cette problématisation très large des enjeux de coopération internationale pour la sécurité alimentaire mondiale. La très forte concentration des entreprises du commerce international de grains est rappelée. La spécialisation productive qui implique la dépendance à un petit nombre de régions productrices est également évoquée comme facteur de vulnérabilité. Ou encore la mise en place d’une coopération autour de la flexibilisation des politiques de biocarburants figure également.

A rebours des visions désincarnées du commerce international fréquemment rencontrées, ce rapport offre une analyse et des perspectives tout à fait pertinentes des enjeux géostratégiques autour de la sécurité alimentaire mondiale. Alors que le reflux des prix internationaux est plus qu’entamé et que la Chine porte à elle seule près de la moitié des stocks mondiaux de fin de campagne de céréales, il est crucial de réinvestir maintenant le sujet de la coopération dans les infrastructures, y compris de stockage.

1 https://www.chathamhouse.org/publication/chokepoints-vulnerabilities-global-food-trade

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