Une note du gouvernement à l’approche de la négociation du cadre financier pluriannuel du budget européen, pour la période 2020-2026, fait grand bruit. On lui reproche de marquer une rupture importante avec la stratégie habituelle, en sacrifiant une partie du budget de la PAC. Or, rien ne permet de l’affirmer.
Panique dans le Landerneau agricole ! La position exprimée dans la récente note du Gouvernement français sacrifierait le budget de la PAC, au profit notamment du développement d’un projet européen de Défense !
Pourtant, la note du gouvernement français est un cadre général qui exprime l’ambition européenne de la France, tout en mettant en avant la nécessité d’une meilleure valeur ajoutée de la dépense communautaire et l’importance de développer l’accès à des ressources propres en remplacement de la ressource TVA.
Elle a, en outre, l’avantage de donner un cap nouveau pour l’avenir de la PAC, en apportant tous les ingrédients d’une réelle réforme ambitieuse et positive ! Du moins pour ceux qui n’ont pas une approche partisane.
Dans ses discours à la Conférence des Ambassadeurs et à la Sorbonne, le Président Macron a défini clairement sa volonté de relance pour un projet européen actuellement en difficulté. La courte note du gouvernement français se situe dans le prolongement de ces discours et dessine un peu plus les contours d’une PAC réellement réformée pour une Europe sortant d’années de piétinement politique.
La PAC depuis 25 ans se situe dans une inertie institutionnelle entretenue par la Commission européenne et relayée par telle ou telle représentation du monde agricole : celle de la prééminence du principe du découplage, qui veut que les subventions aux agriculteurs soient versées indépendamment de tout critère basé sur la production, les prix à la production ou le niveau de revenu des agriculteurs.
De fait, le montant d’aides distribuées chaque année dans chaque État membre et pour chaque agriculteur est complètement défini à l’avance pour les sept années de la programmation. La prévisibilité de la dépense publique peut certes être une caractéristique recherchée, mais en l’occurrence, on doit surtout parler d’une logique de consommation budgétaire annuelle, nettement moins défendable.
La PAC a ainsi été réduite pour l’essentiel, à sa seule dimension redistributive, avec à la clé une très faible plus-value communautaire : chaque État membre distribue une enveloppe définie avant même que les négociations sur les objectifs et les outils n’aient commencé !
Dès lors quand le gouvernement français plaide pour une réelle valeur ajoutée européenne, en rendant le budget plus flexible et plus réactif, on ne peut qu’espérer une réforme en profondeur. L’Europe remettrait ainsi en cause le principe du découplage que tous les autres pays dans le monde ont abandonné ou n’ont jamais cherché à appliquer !
Sans compter qu’à l’instar des aides au logement, les aides de la PAC subissent également des effets de capitalisation et de capture qui nuisent gravement à leur utilité.
Aussi, il n’y a rien à reprocher à une position volontariste qui ne réduit pas la PAC au seul niveau de son budget, mais qui s’intéresse à en augmenter l’efficacité et l’efficience en affichant la souveraineté et la sécurité alimentaires au titre des attributs d’une Europe puissance mondiale.
Dans l’esprit de la note du gouvernement français, il est donc indispensable de mettre en oeuvre un filet de sécurité du revenu, telles les aides contracycliques et de penser des outils de gestion des crises plus réactifs et plus efficaces. De même, la réserve de crise créée pour l’actuelle programmation, mais au final jamais utilisée, doit véritablement être réformée pour devenir une réserve intégrée aux perspectives pluriannuelles et servant d’amortisseur en cas de crise durable.
En prenant davantage de liberté avec la doctrine du découplage directement issue des années 1990, l’Europe affirmera une autonomie stratégique indispensable, tout en se donnant les moyens de faire face aux crises agricoles et d’assurer la transition écologique de notre agriculture.
Au final, le débat budgétaire et les principes de bonne gestion de l’argent public et de plus-value communautaire doivent constituer le premier round de la négociation de la prochaine PAC.
Jacques Carles, Président d’Agriculture Stratégies
Frédéric Courleux, Directeur des études d’Agriculture Stratégies
Cet article a également été publié dans Les Echos le 12/01/2018, et est disponible à l’adresse suivante :
https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-178020-le-gouvernement-francais-pose-les-bases-dune-reforme-budgetaire-de-lue-qui-pourrait-etre-benefique-a-la-pac-2144522.ph Stratégies