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Alors que la proposition de la Commission pour le budget de l’Europe après 2020 prévoit une coupe drastique du budget de la Politique Agricole Commune, voici une information restée assez confidentielle : 85% des Européens sont en faveur d’un maintien voire d’une augmentation du budget agricole pour les 10 prochaines années. C’est en effet ce qui ressort du sondage Eurobaromètre 2017 commandité par la DG Agri. On retiendra également qu’à côté du bien-être animal et de la protection de l’environnement, la sécurité alimentaire et le soutien au revenu des agriculteurs figurent également en bonne place parmi les attentes sociétales.
Les résultats du dernier Eurobaromètre sur la PAC , un sondage réalisé auprès de 28 000 citoyens européens effectué tous les deux ans depuis 1988, sont sortis en février dernier. Alors que les propositions de la Commission en matière budgétaire et réglementaire pour la PAC post 2020 sont maintenant connues, cette photographie régulière de l’opinion nous apporte des éléments intéressants à verser au débat.
Les campagnes et la PAC au cœur des préoccupations des européens
L’agriculture et la ruralité sont des sujets importants pour les Européens : c’est ce que met en évidence la première question de l’Eurobaromètre, 92% des Européens déclarent que l’agriculture et les zones rurales sont très importantes (53%) ou assez importantes (39%) pour notre futur. De ce fait, la PAC revêt une grande importance aux yeux des citoyens de l’UE, et pas seulement pour les soutiens qu’elle apporte aux agriculteurs. En effet, 61% des européens estiment que la PAC bénéficie à l’ensemble des citoyens européens et non seulement aux seuls agriculteurs (Q3).
Sécurité alimentaire et niveau de vie des agriculteurs au cœur des attentes sociétales
Les argumentaires en faveur d’un renforcement de la dimension environnementale de la PAC voire ceux souhaitant réduire la PAC à cette seule dimension mettent souvent en avant l’argument des « attentes sociétales » en les réduisant à la protection de l’environnement ou au bien-être animal.
Deux questions de l’enquête permettent de cerner ce qu’il en est vraiment des attentes des citoyens européens. Comme le montre la figure ci-dessous, pour les Européens, la principale responsabilité des agriculteurs est de « fournir de la nourriture sûre, saine et de qualité élevée » (Q6).
Figure 1 : Question 6, quelles sont les deux principales responsabilités des agriculteurs aux yeux des européens ?
La question 4 sur les objectifs impartis à la PAC va dans le même sens. Les objectifs de sécurité alimentaire qu’elle soit sanitaire, quantitative ou en termes d’accès (prix abordable) figurent au premier plan au même titre que la protection de l’environnement et la lutte contre le changement climatique. Il en est de même pour le niveau de vie des agriculteurs qui reste un objectif majeur de la PAC aux yeux des agriculteurs. Aussi, la sécurité alimentaire et le niveau de vie des agriculteurs font indéniablement partie des attentes sociétales européennes.
Figure 2 : Question 4, quels doivent être les principaux objectifs de la PAC aux yeux des européens ?
Les Européens sont en défaveur d’une baisse du budget agricole
Si les Européens expriment de fortes attentes vis-à-vis de l’agriculture et de la PAC, leurs déclarations semblent cohérentes puisqu’ils se positionnent également majoritairement pour un maintien voire une hausse du budget de la PAC. Comme le montre la figure ci-dessous, la volonté de voir baisser le soutien aux agriculteurs n’arrive en première position dans aucun Etats-membre. A l’échelle européenne, 44% se prononcent pour une hausse, 29% pour un maintien, 12% pour une baisse et 15% n’ont pas d’avis.
Figure 3 : Au cours des 10 prochaines années, comment devrait évoluer le niveau d’aide financière fournie aux agriculteurs ?
Aussi, parmi les avis exprimés, c’est 85% des européens qui sont pour un maintien voire une hausse du budget agricole. Cet état de l’opinion tranche nettement avec la volonté de la Commission européenne d’opérer des coupes fortes dans le budget de la PAC. La carte ci-dessous présente, par pays, la part des Européens en faveur d’un maintien ou d’une hausse du budget de la PAC parmi les avis exprimés.
Figure 4 : Pourcentage des répondants exprimant un avis pour chaque pays souhaitant maintenir ou augmenter dans les 10 prochaines années l’aide financière aux agriculteurs
L’efficacité de la PAC actuelle : des positions partagées
Parmi les questions portant sur le sentiment des Européens quant à l’efficacité de la PAC, intéressons-nous à celle relative au revenu des agriculteurs (Q5.1). Il apparait que 17% des Européens pensent que la PAC atteint complétement l’objectif d’assurer un niveau de vie équitable aux agriculteurs, 39% sont plus nuancés et signifient que cet objectif n’est que partiellement atteint, alors que respectivement 22% et 8% considèrent qu’il n’est plutôt pas ou pas du tout atteint.
Figure 5 : Question 5, Dans quelle mesure estimez-vous que l’UE, au travers de la PAC, remplit son rôle d’assurer un niveau de vie correct aux agriculteurs ?
Les disparités entre pays sont relativement importantes comme le montre la figure ci-dessus. On remarque même qu’en recroisant ces résultats avec ceux de la question portant sur le bon niveau de subsidiarité (c’est-à-dire le choix entre les niveaux communautaire, national ou régional comme considéré comme le plus pertinent pour atteindre l’objectif), les pays où l’opinion est plutôt réservée quant à l’efficacité de la PAC à soutenir les revenus sont également là où l’on trouve le souhait que cette question puisse davantage être traitée au niveau national. On perçoit là une des sources de l’euroscepticisme : c’est aussi le sentiment d’inefficacité du niveau européen à accomplir ses missions qui pousse l’opinion à préférer des formes de renationalisation.
Au final, cette photographie de l’opinion des Européens est plutôt réconfortante : on y voit un attachement à une politique communautaire forte et bien dotée qui traite l’ensemble des problématiques de l’Europe agricole, de la sécurité alimentaire à la protection de l’environnement en passant par le revenu de ses agriculteurs. Les Européens seraient-ils moins résignés et en proie au défaitisme que les habitués de la chose agricole ? On peut le penser, en espérant que ce type de sondage contribue à redonner toute sa place à l’agriculture et à la PAC dans la relance de la construction européenne.
Frédéric Courleux, Directeur des études d’Agriculture Stratégies