Cet article est également paru sur le site de Paysan Breton
La guerre commerciale enclenchée par le Président des Etats-Unis est en train de rebattre de nombreuses cartes sur le plan politique et économique. Paradoxalement, cette situation pourrait être profitable à l’Union européenne si cela lui permet de repenser son projet. La Politique Agricole Commune ne devrait pas échapper à la remise en cause des certitudes héritées de la fin du siècle dernier et l’attaque des Américains vis-à-vis des olives espagnoles pourrait bel et bien mettre le feu aux poudres.
En effet, le 25 juillet dernier, la Commission du commerce international, une agence américaine, a confirmé la légalité des droits de douanes demandés par les producteurs américains d’olives au motif qu’elles arrivaient sur le territoire américain à un prix inférieur à leur « juste valeur » et profitaient de subventions. En cause principalement : les aides découplées que perçoivent les producteurs sur les surfaces plantées d’oliviers. Et a fortiori ce qui est ici valable pour les olives pourraient l’être pour l’ensemble des productions bénéficiant d’aides découplées, soit plus ou moins directement la plupart des productions européennes.
Ce qu’il faut bien comprendre dans cette décision c’est qu’elle remet en cause les règles de l’OMC en matière agricole, et donc la PAC actuelle vu que l’Europe est la seule à continuer à vouloir à en être la bonne élève. Depuis la réforme de 1992, les aides sont de plus en plus en découplées, c’est-à-dire versées indépendamment de la production et du niveau des prix. Cette évolution devait permettre d’aller vers des formes de soutien que l’on considérait comme n’ayant pas d’effets sur les marchés, dans le jargon « sans effet distorsif ». Et là, patatras, les Etats-Unis dénoncent la principale règle agricole de l’OMC pourtant rédigée entre Européens et Américains et que conteste déjà le reste du monde.
Pourtant critiquées pour leur incapacité à répondre aux crises – les aides sont versées que les prix soient hauts ou bas – et à faire évoluer les systèmes de production vers davantage de durabilité – versées indépendamment de la production –, les aides découplées présentaient surtout l’avantage pour Bruxelles de prétendre être le premier de la classe à l’OMC. Cela est en passe de changer !
Il était déjà peu probable que le projet de réforme proposé en juin dernier par le Commissaire Hogan n’aboutisse avant les élections européennes de mai prochain. Avec cette décision américaine le ciel s’assombrit encore un peu plus encore au-dessus des défenseurs de la PAC actuelle qui en tournant le dos à la régulation des marchés en ont fait une politique de consommation d’enveloppes budgétaires. Et alors que certains voudraient que l’Union européenne saisisse l’OMC pour contester la décision américaine, nous pensons au contraire que ce jusqu’au boutisme serait une erreur stratégique majeure pour la construction européenne et qu’il est urgent de travailler à une réforme en profondeur de la PAC.
« Il faut arrêter d’être naïfs : le découplage des aides ne mène nulle part, il faut en sortir et redonner aux choix politiques une capacité à changer les choses. » Olivier Allain
« On a assisté à une sorte de mode intellectuelle qui avait été lancée notamment par l’OCDE, c’était le découplage comme étant la solution à tout ! » Hervé Gaymard
Jacques Carles, Président d’Agriculture Stratégies
Frédéric Courleux, Directeur des études d’Agriculture Stratégies