ArchivesPAC & Europe

Négociations de la PAC post 2020 : continuer ou repartir d’une page blanche ?

Télécharger le PDF

La réforme de la PAC engagée à la fin de la dernière mandature n’a pas abouti : les trois projets de règlement en discussion ont été votés par le Parlement européen en commission Agriculture (COMAGRI) et non en plénière ce qui n’a pas permis d’aller plus avant. Alors que le Parlement vient d’être renouvelé et qu’il va en être de même à l’automne pour la Commission, il parait peu probable que le processus reprenne en l’état : comment imaginer que les nouveaux députés en charge des questions agricoles choisissent d’entériner un projet jugé largement insuffisant par leurs prédécesseurs et de ne pas s’impliquer pour le reste de la mandature ? De plus, comment statuer sur la prochaine PAC alors que le prochain budget n’est toujours pas scellé ? Et surtout, avec l’attaque des Américains contre le principe du découplage dans le cadre de l’affaire des olives de table espagnoles, il va être difficile de faire comme si de rien n’était et de poursuivre dans la trajectoire entamée avec la réforme de la PAC de 1992.

Pour autant tout n’est pas à jeter dans la réforme proposée par la Commission sortante et quelques mesures nouvelles seront sans doute à reprendre. L’article d’Aurélie Trouvé, économiste à AgroParisTech, que nous reproduisons ci-dessous effectue un état des lieux précis des discussions telles qu’elles se sont arrêtées en fin de mandature1. Parmi les nombreux points en débat, nous en retenons ici trois : la gestion des crises de marché, le soutien à l’organisation des producteurs et l’éco-dispositif (Eco-scheme).

Les propositions de la Commission en matière de gestion des crises étaient restées assez limitées. La possibilité de renforcer la réserve de crise – introduite en 2014 mais jamais utilisée – en y cumulant les fonds non utilisés constituent une avancée que préfigurait déjà le règlement financier grâce aux mécanismes de report. Mais comme le souligne Aurélie Trouvé « l’avis de la COMAGRI va plus loin » en proposant qu’un observatoire européen des marchés agricoles puisse « émettre des alertes en cas de perturbations de marché sur la base desquelles la Commission interviendrait avec les outils de régulation de marché dont elle dispose encore ». Elle fait référence à l’aide à la réduction volontaire de la production mise en œuvre avec succès en 2016, et qui pourrait se doubler d’un volet plus coercitif en taxant les producteurs qui refusent de diminuer leurs productions « si la situation des marchés ne s’améliore pas ». De plus, l’économiste rappelle que le Parlement a également proposé de proroger le régime des autorisations de plantation de vignes jusqu’en 2050 et d’augmenter la liste des produits pouvant bénéficier de l’intervention publique en y ajoutant le sucre mais aussi les viandes ovines, porcines et de volailles.

S’agissant de l’organisation des producteurs, le succès des programmes opérationnels qui permettent à des producteurs, notamment dans le secteur des fruits et légumes, de s’associer pour mieux maitriser leur commercialisation a conduit la Commission à proposer d’étendre cette forme de soutien à l’ensemble des productions. A ce stade de la négociation, les Etats membres pourraient mobiliser 3% de leur enveloppe dédiée au premier pilier pour financer ce type d’actions dans les secteurs non concernés actuellement, ce qui parait tout de même insuffisant. Mais, si cette proposition était retenue par la suite, les négociations pourraient aboutir à un usage plus large, notamment en mobilisant une partie des aides couplées comme l’a proposé la France dans sa position.

Enfin, l’éco-dispositif (éco-scheme en anglais) proposé par la Commission pour prendre le relais du paiement vert qui n’avait pas donné satisfaction, laisse Aurélie Trouvé assez dubitative, ce que nous partageons. En effet, « l’aide devra rester annuelle, découplée de la production [et] verser à l’hectare » ce qui place d’entrée l’eco-dispositif dans une situation d’infériorité en termes d’efficacité par rapport aux mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) intégrées dans la PAC depuis près deux décennies. De plus, elle relève la critique adressée par la Cour des comptes européenne qui s’étonne que la Commission n’ait fait aucune proposition législative d’objectifs environnementaux quantifiés à l’échelle communautaire affaiblissant par là même la position de cette dernière dans les négociations bilatérales avec chaque Etat membre pour l’approbation et le suivi de chaque plan national.

En définitive, si l’action du Parlement européen a permis quelques améliorations notables en matière de gestion de crise, la proposition de la Commission de juin 2018 était à la fois trop tardive et trop dans la continuité de la réforme précédente pour avoir une chance d’aboutir. Certains fonctionnaires de la Dg Agri regrettent même n’avoir « eu que 15 jours pour la préparer ». Ce début de négociation tronquée aura certainement eu le mérite de pousser les logiques à l’œuvre depuis deux décennies jusqu’au bout de leurs contradictions. Et, ainsi, vaudrait-il mieux proroger le cadre actuel d’une à deux années le temps de concevoir une réforme en profondeur plutôt que d’entériner pour sept années un copié-collé de la précédente réforme. C’est en ce sens que nous avons proposé deux notes de référence stratégique, la première « Pour une réforme en profondeur de la PAC » et la deuxième « Pour une réforme du multilatéralisme : un défi pour les institutions européennes et une solution pour la PAC », et que nous diffuserons une nouvelle note à l’automne 2019 afin d’éclairer les débats qui ne manqueront pas de s’ouvrir prochainement au sein des institutions européennes

Frédéric Courleux, Directeur des études d’Agriculture Stratégies


LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE APRÈS 2020 : CHANGEMENTS PRÉVUS ET DÉBATS INSTITUTIONNELS

Aurélie Trouvé, AgroParisTech (UFR agriculture comparée), avril 20192

  1. Un calendrier de réforme tendu

Le 29 novembre 2017, la Commission européenne a publié une communication sur l’avenir de la PAC. En ont découlé ses propositions législatives, en juin 2018, avec non plus cinq mais trois règlements sur la PAC (relatifs aux plans stratégiques, à l’organisation commune de marché – OCM – et au financement, à la gestion et au suivi de la PAC). Depuis, le texte est en discussion au sein du Conseil des ministres et du Parlement européen, qui devront co-décider cette réforme. Il était initialement prévu que la prochaine PAC s’applique à partir de 2021, puisqu’elle débuterait en même temps que la prochaine période budgétaire de l’UE (2021- 2027). Néanmoins, il est très peu probable qu’il en soit ainsi. Au mieux, son application aurait lieu à partir du 1er janvier 20223.

Côté Parlement européen, pour la commission de l’agriculture et du développement rural (COMAGRI), les rapporteurs sur les trois règlements sont respectivement E. Herranz Garcia (PPE, Espagne), E. Andrieu (S&D, France) et U. Müller (ALDE, Allemagne). La Commission européenne a insisté pour que le calendrier côté parlementaire soit très serré, avec l’espoir d’un accord avant les élections européennes de mai 2019 : les rapporteurs ont rendu en octobre 2018 leurs projets d’avis, votés en COMAGRI les 1, 2 et 8 avril 20194. Si la COMAGRI garde la main sur le dossier, celle de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (COMENVI) a obtenu pour la première fois des compétences sur une partie des textes et a voté son avis en février 2019. Mais les élections européennes verront se renouveler le Parlement européen et la Commission européenne (avec un changement de commissaire en octobre 2019) : comme il n’y aura pas de vote en plénière du parlement européen avant les élections, il se peut que les avis des commissions du parlement, voire que les propositions de la Commission européenne elle-même, soient modifiés.

Outre les élections européennes, le calendrier est « perturbé » par le Brexit, dont l’issue reste très incertaine et aura des répercussions plus ou moins fortes, notamment sur le budget européen. Cette réforme de la PAC doit tenir compte aussi des décisions de l’Union européenne (UE) sur le futur cadre financier pluriannuel, avec une proposition de budget en baisse par la Commission européenne pour la période 2021-2027, mise sur la table déjà fort tard en mai 2018 et très débattue entre Etats-membres. Un accord sur le budget se profile pour fin 2019, ce qui rend d’autant plus difficiles les négociations sur la réforme de la PAC, alors que son budget et ses enveloppes nationales restent incertaines.

  1. Le budget de la PAC : baisse forte attendue, en particulier pour le 2nd pilier de la PAC

Avec le départ attendu du Royaume-Uni, qui était contributeur net du budget de l’UE, les finances européennes seront amputées. Selon la proposition de la Commission européenne, cette baisse serait compensée par une augmentation de la contribution de chaque Etat-membre au budget de l’UE (1,11% du RNB au lieu de 1%) et de nouvelles ressources propres5. Mais quelques hausses budgétaires étant prévues dans des domaines jugés prioritaires (migration, sécurité et défense…), la Commission européenne propose de procéder à des coupes budgétaires fortes pour les deux grandes politiques historiques de la Communauté européenne, qui représentent à elles deux une grande majorité du budget européen : la politique de cohésion (ou politique régionale) et la PAC.

La part du budget de la PAC dans le budget européen devrait passer de 37,6% à 28,5%6, ce qui poursuit une baisse entamée dès les années 1970 (la PAC ayant constitué jusqu’à près de 90% du budget européen). Le budget atteindrait 365 Milliards € sur 7 ans (à 27 Etats- membres), dont 286,2 Mds € pour le 1er pilier de la PAC et 78,8 Mds € pour le 2nd pilier, contre 408,3 Milliards € à 28 Etats-membres lors de la période précédente… sans compter l’inflation. In fine, la Commission européenne annonce une baisse de 5% du budget de la PAC (hors Royaume-Uni), mais la cour des comptes européenne l’évalue plutôt à 15,3% en euros constants7. Le 1er pilier subirait une baisse de 11,2%. C’est le 2nd pilier, consacré au développement rural, qui serait encore bien plus touché par cette baisse (-27,6% en euros constants). Le Parlement européen et une vingtaine de pays demandent le maintien du budget de la PAC8, le ministre de l’agriculture français considérant que c’est « absolument inacceptable »9.

En France, les baisses des budgets des 1er et 2nd piliers devraient être similaires à celles à l’échelon communautaire, pour des budgets respectifs de 50,034 Mds et de 8,465 Mds € sur 7 ans. Le ratio 2nd pilier/1er pilier, qui était déjà relativement faible en France, passera à moins de 17% (hors cofinancements nationaux), alors même que de nombreuses études soulignent le rôle environnemental et socio-économique important de ce pilier du développement rural.

  1. Des objectifs inchangés et un retrait de la régulation publique des marchés confirmée

Par rapport aux réformes précédentes, il n’y a guère d’innovation en ce qui concerne les objectifs : assurer un revenu équitable aux agriculteurs, accroître la compétitivité, rééquilibrer les pouvoirs dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, agir contre le changement climatique, protéger l’environnement, préserver les paysages et la biodiversité, soutenir le renouvellement des générations, dynamiser les zones rurales, garantir la qualité des denrées alimentaires et la santé. L’important est ailleurs : les modalités proposées par la Commission européenne permettent-elles de répondre à ces objectifs ?

Une première remarque peut être faite sur la quasi absence de mesure proposée concernant spécifiquement la qualité des denrées alimentaires et la santé, alors que c’est fortement mis en avant dans l’exposé des motifs des propositions législatives de la Commission. Il faut également noter, dans ces motifs, l’accent mis sur les technologies, en particulier numériques, qui apparaissait déjà dans la communication de la Commission de novembre 2017, soulignant l’intérêt de « l’agriculture de précision, l’utilisation des méga-données… ». La COMAGRI insiste sur ce point dans son avis. À contrario n’apparaît nullement d’objectif relatif à une plus grande autonomie des exploitations, à une maîtrise de leur endettement, à la réduction de leurs consommations intermédiaires…

La commission y confirme aussi son orientation néolibérale, qui a mené à la dérégulation des marchés agricoles européens depuis le début des années 1990 : l’aide aux agriculteurs doit avoir « pas ou peu d’incidences sur les échanges commerciaux » pour que « l’Union puisse respecter ses obligations (…) dans l’accord de l’Organisation mondiale du commerce ». Et de ce point de vue, les modalités proposées sont en adéquation avec l’exposé des motifs.

Face à la nouvelle volatilité des prix, issue de la dérégulation des marchés, que propose la Commission européenne ? Il s’agit de ne surtout pas réintroduire de régulation des échanges, des prix et des volumes de production, pour s’orienter uniquement vers l’appui de certaines coordinations privées. L’accent est mis sur le soutien aux organisations de producteurs (OP), locales ou nationales, afin de maîtriser la commercialisation et les prix de vente de leurs produits. La COMAGRI propose à ce propos des marges de manœuvre supplémentaires en matière d’intervention pour ces OP. De même, la Commission européenne indique que « des primes d’assurance et des fonds de mutualisation devraient être maintenus et financés par le Feader. La catégorie des fonds de mutualisation englobe à la fois ceux liés aux pertes de production et les instruments généraux et sectoriels de stabilisation des revenus, liés aux pertes de revenus. » Comme lors de la réforme précédente, le soutien de ces « outils de gestion des risques » s’inscrirait dans le cadre du 2nd pilier de la PAC, risquant de diminuer d’autant les financements alloués aux autres mesures de ce pilier. La COMAGRI propose que ce soutien ne soit pas obligatoire pour les États-membres.

La seule petite entorse à cette orientation néolibérale sera la « réserve de crise ». Jamais utilisée depuis sa création en 2015, cette cagnotte de 400 millions € par an (au lieu de 500 millions actuellement) a « comme objectif la gestion de marché ou la stabilisation en cas de crises affectant la production ou la distribution agricole ». Elle peut servir par exemple à verser des aides d’urgence, des aides au stockage… Elle n’a en fait jamais été activée depuis qu’elle existe. Pour la rendre plus efficace, la Commission propose, comme lors de la précédente réforme – ce qui avait été rejeté par le Conseil -, de ne plus faire dépendre le budget de la réserve d’une décision de ponction des aides directes du 1er pilier et de reporter d’une année sur l’autre les montants inutilisés, rendant la réserve mieux dotée budgétairement. Mais elle ne propose aucune approche nouvelle dans la gestion des crises et toujours pas de définition claire de celles-ci ni d’indicateurs qui permettraient d’activer la réserve, ce qui laisse de grands doutes sur son efficacité.

De même que la position française, l’avis de la COMAGRI va plus loin : devrait être mis en place un observatoire européen des marchés agricoles, comme celui qui existe déjà sur les marchés laitiers. Il serait chargé d’émettre des alertes en cas de perturbations de marché, sur la base desquelles la Commission interviendrait avec les outils de régulation de marché dont elle dispose encore. Parmi ces outils possibles, figurerait une aide à la réduction volontaire des volumes (comme ce fut fait en 2016 lors de la chute des prix des produits laitiers), mais aussi, si la situation des marchés ne s’améliore pas, un prélèvement imposé à tous les producteurs qui augmentent leurs livraisons. Enfin, l’intervention publique (et donc des filets de sécurité permettant l’achat et le stockage publics) serait possible non seulement pour le blé, l’orge, le maïs, le riz et la viande bovine, mais pour de nouveaux produits (sucre blanc, viande ovine, viande porcine, volaille).

Dans la production viticole, là aussi la COMAGRI propose de revenir sur certaines dérégulations de marchés, avec une fin repoussée des droits de plantation de vignes à 2050 (et non plus 2030).

À propos des appellations d’origine protégée (AOP), la proposition de la Commission européenne en affaiblit la définition, avec notamment la non obligation d’intégrer des facteurs humains et des éléments de preuve de l’origine géographique des produits en question. La France comme la COMAGRI demandent d’inclure à nouveau ces éléments.

  1. Une PAC de moins en moins commune

Une « subsidiarité accrue », laissant aux pays une plus grande latitude, préside officiellement à la réforme, qui introduit un « nouveau modèle de mise en œuvre ». Un grand nombre de décisions est laissé aux Etats-membres, beaucoup plus encore que lors de la réforme précédente. Une nouvelle étape est franchie dans la proposition de la Commission européenne : celle-ci propose de renvoyer aux Etats-membres la responsabilité de définir des règles majeures, dans des « plans stratégiques nationaux », couvrant la période 2021-2027.

De très nombreuses mesures sont ainsi bien moins cadrées au niveau communautaire, que ce soit dans le cadre du 1er ou du 2nd pilier. Par exemple, l’aide aux « zones soumises à des contraintes naturelles et à d’autres contraintes spécifiques » fait l’objet d’une quinzaine de

lignes, contre plus d’une centaine auparavant. Les seuls éléments précisés sont le fait que c’est une aide par hectare versée annuellement qui doit « indemniser les bénéficiaires pour une partie ou la totalité des coûts supplémentaires et des pertes de revenus résultant des contraintes naturelles ou d’autres contraintes spécifiques dans la zone concernée ».

La commission présente ce « nouveau modèle de mise en œuvre » comme une simplification. Reste à savoir si ce sera bien le cas : ce pourrait être au contraire une charge de travail plus grande pour les Etats-membres pour mettre en place les plans stratégiques, le suivi des indicateurs, etc. Dans son plan stratégique, chaque État membre devrait évaluer ses besoins et définir une stratégie d’intervention pour atteindre les neuf objectifs définis au niveau communautaire (cf. § 3), en recourant à la fois aux paiements directs du 1er pilier de la PAC et aux mesures du développement rural. Les programmes sectoriels d’intervention, qui dépendaient du règlement européen sur l’OCM, feront eux aussi partie des plans stratégiques nationaux et pourront être désormais étendus à presque tous les secteurs, au-delà des fruits et légumes, de l’apiculture, du vin, du houblon et des olives[9]. Ces plans pourraient ainsi permettre une meilleure cohérence entre mesures du 1er et du 2nd pilier. La Commission approuverait chaque plan, puis le suivrait et l’évaluerait, y compris annuellement, en fonction des 9 objectifs convenus et d’indicateurs d’impacts, de résultats et de réalisation qu’elle a listés[10]. Ainsi, « la Commission cherche à délaisser l’approche actuelle de la PAC, fondée sur la conformité, au profit d’une approche axée sur les résultats », selon un rapport de la Cour des comptes européenne[11].

Certes, mais de ce fait, selon ce même rapport, « l’élaboration de la politique et des interventions spécifiques dépendrait de plus en plus des choix effectués par les États membres dans leurs plans stratégiques pour la PAC ainsi que de l’approbation de ces plans par la Commission. » Il y aurait ainsi un renforcement des marges de manœuvre des Etats-membres et des compétences de la Commission, au détriment du parlement européen et du Conseil des ministres. Or, la Commission aura-t-elle la volonté et le poids politiques pour s´assurer que l´ensemble des engagements des Etats membres permet d’atteindre les objectifs que l´Union européenne s´est fixée ? Il est souligné également le risque d’accroître les distorsions de concurrence entre Etats-membres[12]. La France demande quant à elle que « le nombre de mécanismes facultatifs soit limité au maximum, avec le cas échéant des obligations fixées aux États membres pour encadrer les flexibilités accordées, par exemple en terme de seuils ou plafonds à respecter. »

Enfin, l’Association française des régions de France a exprimé ses craintes d’une recentralisation du 2nd pilier : les programmes de développement rural, qui sont pour certains pays régionalisés (cas actuellement de l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, l’Italie, le Royaume-Uni), seraient remplacés par des plans stratégiques nationaux, avec une autorité de gestion nationale. La France demande ainsi que les collectivités locales puissent, en ce qui concerne les dispositifs qui leur incombent, en assumer l’ensemble des responsabilités (programmation, financement, gestion administrative et financière). L’avis de la COMAGRI va dans ce sens.

  1. Une distribution des aides directes du 1er pilier mieux justifiée du point de vue socio-économique ?

Les aides découplées devraient continuer à constituer la part du lion du budget de la prochaine PAC, avec ce qui est désormais appelé « aide de base au revenu », qui devra être complétée par d’autres aides découplées (aide complémentaire au revenu « redistributive », aide « en faveur de programmes pour le climat et l’environnement », aide « pour les jeunes agriculteurs »). Ce qui ne répond aucunement à toutes les critiques émises sur le principe même du découplage des aides, notamment en provenance de la Cour des comptes européenne13. Plus encore, la COMAGRI propose qu’une part budgétaire minimale de 60% des paiements directes du 1er pilier pour l’aide de base au revenu et l’aide redistributive soit imposée aux États-membres.

L’architecture des aides directes du 1er pilier évoluerait ainsi :

Les aides couplées ne doivent pas dépasser 12% des paiements directs (dont 2% pour les protéagineux) ou la part atteinte en 2018 quand celle-ci dépassait 12%, ce qui n’introduit pas de changement majeur. Cependant, ces aides peuvent désormais concerner des productions confrontées à des difficultés (et pas seulement « qui revêtent une importance particulière pour des raisons sociales, économiques ou environnementales »). Il faut noter que désormais des aides couplées pourraient être versées à des cultures non alimentaires telles que les agrocarburants, ce à quoi s’oppose la COMAGRI.

En ce qui concerne la « convergence externe », c’est-à-dire la réduction des différences entre montants moyens d’aide directe par hectare entre États-membres, il est proposé de poursuivre le processus entamé au cours de la période 2014-2020 : les États membres dans lesquels les paiements directs seraient encore inférieurs à 90 % de la moyenne de l’Union verraient se réduire de 50 % l’écart existant par rapport à ces 90 %. La question devrait toutefois être tranchée dans le cadre des négociations sur le futur cadre financier pluriannuel de l’UE et non dans celles sur la PAC.

Qu’en est-il de la « convergence interne », c’est-à-dire la convergence au moins partielle des montants d’aide découplée à l’intérieur de chaque Etat-membre, instaurée de façon obligatoire lors de la réforme de 2013 ? Il est proposé par la Commission européenne de poursuivre la convergence des montants d’aide de base au revenu. Mais les modalités proposées conduisent-elles forcément à cette convergence ?

–           Actuellement, pour ces aides découplées, les États membres issus de l’UE à 15 doivent appliquer le régime de paiement de base (RPB) et recourent ainsi à des droits au paiement, associés à des hectares éligibles, avec une certaine complexité de règles et de calculs. Par mesure de simplification, ces droits ne seraient plus obligatoires et pourraient être remplacés par des paiements forfaitaires par hectare (système « SAPS »). Dans ce cas, le montant par hectare devra être le même quelles que soient les exploitations. Une convergence complète, donc ? Non, car ce montant pourra être différencié « entre groupes de territoires confrontés à des conditions socio- économiques ou agronomiques similaires ». Ce qui permettra aux États-membres qui le souhaitent de ne presque rien changer à la distribution historique et inégale des montants d’aides découplées, puisque ce groupe de territoires peut être suffisamment petit et homogène pour que les montants en son sein soient déjà très similaires et qu’ils ne puissent pas être harmonisés avec ceux d’un territoire voisin avec des montants différents. C’est déjà le cas en Espagne, par exemple, au profit des zones aux rendements historiques plus importants.

–           Pour les États-membres qui garderaient des droits à paiement, tous les montants d’aide de base au revenu devraient, d’ici 2026, égaler ou dépasser 75 % du montant moyen national ou dans un groupe de « territoires confrontés à des conditions socio- économiques ou agronomiques similaires ». Ce qui conduit aux mêmes limites évoquées précédemment. La COMAGRI propose quant à elle que cette convergence soit totale (mais toujours possiblement à l’intérieur de ces territoires).

L’ « aide redistributive », destinée spécifiquement aux premiers hectares pour soutenir les petites et moyennes exploitations au nom de l’emploi, serait non plus facultative mais obligatoire. Néanmoins, aucun seuil, aucun plafond n’est imposé aux États-membres quant à l’enveloppe allouée, ni aux nombre d’hectares visés dans chaque exploitation[14], ce qui peut vider cette mesure de toute efficacité en matière de redistribution. C’est pourquoi le Comité des régions propose un minimum de 30 % des fonds du 1er pilier alloué à ce dispositif. La COMAGRI propose d’y consacrer au moins 5% et de limiter l’aide à un nombre d’hectares équivalant à la surface moyenne (nationale ou régionale) des exploitations, ce qui assure que ce soit a minima redistributif. Par contre, elle souhaite que le montant soit plafonné à 65% de l’aide de base au revenu.

Comme actuellement, les États membres pourront aussi verser aux « petits » agriculteurs qui le souhaitent des aides spécifiques, à la place des paiements directs couplés et découplés. Ce ne pourrait être désormais qu’un montant forfaitaire, par exploitation et par an. Ceci afin que la procédure administrative soit plus simple pour les bénéficiaires, qui n’auraient pas à remplir des déclarations annuelles pour recevoir leurs paiements. Ce sera aux États-membres de définir quels sont ces « petits » agriculteurs. La COMAGRI souhaite que ce dispositif soit obligatoirement proposé par les États-membres, mais que cette aide ne dépasse pas 1.250 € par exploitation.

La Commission européenne propose également de diminuer le montant des aides directes du 1er pilier pour les très grandes exploitations agricoles « pour assurer un soutien aux agriculteurs plus juste et mieux ciblé »[15]. Comme lors de la précédente réforme, elle propose une dégressivité des aides d’une exploitation à partir de 60 000 € (avec une ponction de 25% puis de 50% au-delà de 75.000 € puis de 75% au-delà de 90.000 €) ainsi qu’un plafonnement à 100.000 €. Mais il sera possible d’augmenter ce plafond à la hauteur des charges de travail (salaires et charges pour le travail salarié et estimées pour le travail familial), ce qui risque de vider cette proposition de tout effet réellement contraignant[16]. Ainsi, en France, la dégressivité ne toucherait au mieux que quelques exploitations agricoles. Il s´agit donc d´un pas plus que modeste de la part de la Commission qui, cependant, est remis en question par la majorité des États membres[17]. La COMAGRI propose d’en réduire également l’ambition, avec une dégressivité des aides à partir de 100.000 € (et non pas 60.000 €)[18], sans que ce ne soit plus indiqué de pourcentage de baisse minimal ni de plafonnement obligatoire[19]. Ce qui revient à vider de son contenu la proposition de la Commission européenne, qui risque fort d’être repoussée, comme lors de la précédente réforme.

Un pas de plus est proposé pour le soutien aux jeunes agriculteurs : celui-ci doit atteindre au moins 2% des paiements directs de chaque État-membre, avec prise en compte néanmoins des aides du 2nd pilier aux jeunes agriculteurs pour atteindre ce seuil. La COMAGRI propose de renforcer cette contrainte, en supprimant la prise en compte des aides du 2nd pilier. Par ailleurs, il faut noter qu’il n’est plus proposé de fixer un plafonnement à cette aide par exploitation. Dans la même veine, dans le cadre du 2nd pilier, l’enveloppe budgétaire maximale pouvant être attribuée à un jeune agriculteur passe de 75.000 € à 100.000 €, ce qui pourrait concentrer davantage ces aides sur les plus grandes exploitations et défavoriser le fait de toucher un grand nombre de jeunes agriculteurs, comme le souligne l’avis du Comité des régions européen de décembre 2018. La COMAGRI propose quant à elle d’élargir les soutiens des « jeunes agriculteurs » aux « nouveaux entrants », pour ceux qui s’installent et auraient dépassé l’âge de 40 ans.

En outre, la Commission européenne propose qu’il soit obligatoire (et non plus facultatif) de mieux cibler les bénéficiaires de la PAC, à travers la notion de « véritables agriculteurs », « définis de façon à garantir qu’aucune aide au revenu n’est accordée aux personnes dont les activités agricoles ne constituent qu’une part négligeable de l’ensemble de leurs activités économiques ou dont l’activité principale n’est pas de nature agricole, sans exclure la possibilité de soutenir les agriculteurs pluriactifs ». Cette définition doit s’appuyer sur des « éléments tels que le revenu, la main-d’œuvre occupée sur l’exploitation, l’objet social et l’inscription aux registres », ce qui laisse de grandes marges de manœuvre à chaque Etat- membre pour adopter sa propre définition. Le rapport du Comité des régions européen propose qu’il soit précisé la part du revenu agricole. On remarquera que l’âge et le fait d’être retraité ne sont pas retenus dans les critères pour être un « véritable agriculteur ».

Enfin, les plans stratégiques nationaux pourront consacrer jusqu’à 3% de l’enveloppe budgétaire du 1er pilier (en plus des financements attribués à la viticulture, au houblon, à l’apiculture, aux fruits et légumes et aux olives) à des programmes sectoriels d’intervention, ouverts désormais à toutes les productions. Ces programmes doivent bénéficier aux Organisations de producteurs (OP) et aux Associations d’organisations de producteurs. Chaque État-membre pourra y consacrer jusqu’à 3% de l’enveloppe budgétaire du 1er pilier (hors viticulture, houblon, apiculture, fruits et légumes et olive). La France paraît soutenir particulièrement ce type de programmes, avec le souhait qu’il y ait un plafond unique de financement (15% des aides 1er pilier) pour les aides couplées et les programmes sectoriels, ce qui lui permettrait d’y consacrer éventuellement plus de 3% du 1er pilier, au détriment des aides couplées. Le problème sera alors l’éventuelle exclusion d’agriculteurs qui ne font pas partie d’OP.

  1. Une distribution des aides mieux justifiée du point de vue environnemental ?

L’ « aide complémentaire au revenu en faveur de programmes pour le climat et l’environnement » (ou ecoscheme) est présenté comme une des principales nouveautés proposées pour la future PAC : les États-membres devraient verser dans le cadre du 1er pilier des aides directes aux agriculteurs qui s’engagent dans des pratiques bénéfiques pour l’environnement, au-delà des conditions minimales fixées par l’éco-conditionnalité[20]. Mais aucun budget minimal n’est fixé.

En outre, l’ecoscheme devra suivre des règles strictes. L’aide devra rester annuelle, découplée de la production, versée à l’hectare. Or, la Cour des comptes européenne souligne dans son rapport qu’« il est nécessaire de s’engager pendant plusieurs années pour produire certains bénéfices environnementaux et climatiques ».

Certes, il s’agit désormais de consacrer au moins 40% des fonds consacrés au plan stratégique national aux objectifs climatiques. Mais cette règle est beaucoup moins contraignante qu’elle n’y paraît : au-delà des ecoschemes et des aides du 2nd pilier type MAEC et aides au bio, toute intervention contribuant aux objectifs environnementaux pourrait en faire partie, et il sera possible d’y faire figurer en partie les aides de base au revenu, les aides aux zones défavorisées et les aides redistributives, avec une pondération de 40%.

Parmi les États-membre, pour l’instant, seuls quelques-uns, dont la France[21], seraient favorables au fait de rendre ce dispositif obligatoire dans chaque Etat-membre. La COMAGRI propose quant à elle de le rendre obligatoire, avec au moins 20% du budget des aides directes du 1er pilier qui y sont consacrés, mais vide en partie de son intérêt l’ecoscheme en levant l’obligation pour les agriculteurs d’aller au-delà de l’éco-conditionnalité.

Des conditions environnementales avaient été nouvellement introduites lors de la précédente réforme pour toucher les paiements verts, c’est-à-dire une partie des aides directes du 1er pilier. Ces paiements verts ayant disparu dans la proposition de la Commission pour la PAC après 2020, celle-ci affirme avoir renforcé l’ambition environnementale de la PAC en étendant ces conditions à l’ensemble des aides directes, dans le cadre des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE). Mais plusieurs éléments permettent d’en douter.

Tout d’abord, les paiements directs ne seraient plus subordonnés au respect de ces conditions : les États-membres imposeraient plutôt des sanctions administratives, équivalant selon la Cour de justice européenne à des ponctions bien moindres pour l’agriculteur. Le taux de contrôle du respect de ces conditions dans chaque Etat-membre est également abaissé (1% au lieu de 5%). Et plus aucune obligation précise n’est appliquée à l’échelle communautaire dans le cadre de cette éco-conditionnalité soi-disant renforcée.

Ainsi, l’article 46 du règlement actuel[22] stipule, au titre des paiements verts, que « lorsque les terres arables d’une exploitation couvrent plus de quinze hectares, les agriculteurs veillent à ce que (…) une surface correspondant à au moins 5 % des terres arables de l’exploitation [inclue] des surfaces d’intérêt écologique » (ces surfaces pouvant être des jachères, des cultures dérobées, des plantes fixatrices d’azote…). A ce propos, la Commission européenne, dans le cadre de la conditionnalité des aides, ne propose plus désormais que ces exigences : « part minimale de la surface agricole consacrée à des zones ou des éléments non productifs » (certes excluant désormais les surfaces productives) et « maintien des particularités topographiques ». L’obligation de diversité d’assolement est quant à elle remplacée, de façon plus ambitieuse, par une obligation de « rotation des cultures », mais sans qu’aucune autre précision ne soit apportée dans la proposition communautaire. Il en est de même du maintien des prairies permanentes : actuellement, leur part dans la surface agricole totale ne doit pas diminuer de plus de 5%, ce qui est remplacé dans la nouvelle proposition législative uniquement par un maintien « sur la base d’un ratio de prairie permanente par rapport à la surface agricole ».

Tout reposera en fait sur les plans stratégiques nationaux, leur approbation par la Commission européenne puis leur évaluation au fur et à mesure. Notamment, chaque plan stratégique national doit fixer des valeurs cibles quantifiées d’indicateurs de résultat s’appuyant sur ceux listés par la Commission (cf. § 4). Or, la Cour de justice européenne se demande comment la Commission européenne jugera ces valeurs cibles alors qu’il n’existe pas dans la proposition législative d’objectifs quantifiés à l’échelle communautaire. Elle en conclue que « malgré les aspirations de la Commission et ses appels en faveur d’une PAC plus verte, sa proposition ne correspond pas à un renforcement manifeste de ses ambitions en matière d’environnement et de climat (…). Il est difficile de savoir comment la Commission vérifierait si ces plans sont ambitieux d’un point de vue environnemental et climatique. »

Enfin, la COMAGRI propose de réduire encore la portée de cette conditionnalité environnementale. Elle souhaite ainsi qu’il ne soit plus obligatoire dans chaque État-membre de fixer une « part minimale de la surface agricole consacrée à des zones ou des éléments non productifs », lui ouvre la possibilité de proposer des mesures équivalentes à la conditionnalité et de dérogations en cas d’épidémies ou encore d’aléas climatiques, mais qu’il lui soit interdit de fixer une conditionnalité plus forte que celle qui est fixée dans le règlement européen.

Une nouvelle obligation figure dans la Commission européenne, celle de recourir à un « outil de gestion durable des nutriments », outil électronique mis à disposition des agriculteurs par les États-membres. Les présidences autrichienne puis roumaine du Conseil européen, ainsi que la COMAGRI, souhaitent supprimer cette obligation.

Pour inciter les États membres à respecter leurs objectifs, une « prime de performance » remplacerait la réserve de performance. Elle serait attribuée aux États membres en 2026 « pour récompenser des performances satisfaisantes en ce qui concerne les objectifs climatiques et environnementaux ». Le montant reste néanmoins très modeste[23] et n’aurait sans doute pas un grand effet sur les interventions des États-membres. Surtout, les amendements proposés par les présidences autrichienne puis roumaine du Conseil européen, ainsi que l’avis de la COMAGRI, visent à supprimer cette obligation.

Toujours dans le cadre du 1er pilier, reste l’épineuse question des surfaces considérées comme « surfaces agricoles » et donc susceptibles de recevoir des aides directes de la PAC. En particulier, la Commission européenne propose de prendre en compte les « prairies permanentes» et les « pâturages permanents », qui doivent être « consacrés à la production d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) ». Il n’est désormais plus précisé qu’un État-membre peut prendre en compte des surfaces « qui peuvent être pâturées et où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne sont pas prédominantes ou sont absentes »[24]. On peut s’interroger sur le risque, dans cette proposition de règlement, d’exclure des surfaces pastorales ligneuses (lande, garrigue, chênaies et châtaigneraies etc.) et ce qui y est consommé (feuilles, jeunes tiges, fleurs, fruits…). De nombreux États membres et la COMAGRI proposent en amendement de réutiliser la définition du règlement Omnibus.

Concernant le 2nd pilier, il est possible désormais de transférer du 1er vers le 2nd pilier bien plus de budget qu’auparavant, non plus jusqu’à 15% mais jusqu’à 32% du budget initial alloué au 1er pilier (dont 15% vers les MAEC et 2% vers les aides à l’installation)[25]. Mais à l’inverse, tous les pays peuvent comme auparavant transférer 15% du budget du 2nd pilier vers le 1er pilier[26].

Il est par ailleurs exigé qu’au moins 30 % du budget du 2nd pilier soit consacré à l’environnement et au climat, désormais à l’exclusion des aides aux zones défavorisées. La France s’y oppose, car elle ne respecte pas pour l’instant cette condition. Mais rien ne dit que les aides aux investissements visant des objectifs environnementaux ne puissent en faire partie. La COMAGRI propose quant à elle de réduire cette contrainte de 30%, avec la prise en compte d’une partie[27] des aides aux zones défavorisées. Et comme l’enveloppe totale du 2nd pilier pourra être restreinte, il n’est pas certain que cette contrainte de 30 % se traduise in fine par une augmentation des budgets des MAEC et des aides à l’agriculture biologique.

En outre, sauf pour certaines mesures[28], les taux de cofinancement minimal obligatoire par l’État-membre seraient augmentés dans le cadre du 2nd pilier, ce qui pourra dissuader un État- membre d’y consacrer une part importante de son budget de la PAC.

Face à toutes ces limites de la proposition législative, la commission environnement du Parlement européen, associée sur certains points de la réforme de la PAC, a adopté un avis en février 2019, qui va bien au-delà de la proposition de la Commission européenne en matière environnementale : hausse de la part budgétaire minimale octroyée aux mesures environnementales, taux de chargement maximal pour les élevages bénéficiaires de certaines aides de la PAC, contrôles et sanctions plus stricts notamment en matière de bien-être animal…

1 https://pouruneautrepac.eu/wp-content/uploads/2019/04/Note-sur-la-PAC-apr%C3%A8s-2020.pdf

2 Je remercie Tomas Azcarate, Gilles Bazin, Aurélie Catallo, Caroline Collin, Frédéric Courleux et Jacques Loyau pour leurs retours sur cette note. Celle-ci n’engage que son auteure.

3 AgraPresseHebdo, 8 avril 2019

4 Voir les communiqués du parlement européen à ce propos aux liens suivants : http://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20190401IPR34529/proteger-les-agriculteurs-vote-sur- les-projets-de-reforme-de-la-pac et http://www.europarl.europa.eu/news/fr/press- room/20190401IPR34530/une-politique-agricole-plus-equitable-et-flexible-vote-sur-la-reforme-post-2020

5 Voir le communiqué de presse de la Commission européenne du 2 mai 2018, « Budget de l’Union: la Commission propose un budget moderne pour une Union qui protège, qui donne les moyens d’agir et qui défend », http://europa.eu/rapid/press-release_IP-18-3570_fr.htm

6 Flavio Coturni, « La PAC après 2020. Propositions législatives », intervention du 24 octobre 2018, DG AGRI, Commission européenne

7 En euros 2018. Source : Cour des comptes européenne, 2018, « The Commission’s proposal for the 2021-2027 Multiannual Financial Framework », briefing paper, juillet 2018.

8 http://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/113/vers-la-politique-agricole-commune-de-l-apres-2020

9 Le 12 mars 2019

10 Avec obligation de programmes sectoriels pour la viticulture (dans les pays viticoles dont la France), l’apiculture et les fruits et légumes.

11 Commission européenne, 2018, « Annexes à la Proposition de règlement du parlement européen et du conseil », COM(2018) 392 final.

12 Cour des comptes européenne, 2019, « Avis n° 7/2018 sur les propositions de la Commission concernant les règlements relatifs à la politique agricole commune pour la période postérieure à 2020 ».

13 C’est ce que souligne par exemple un projet de résolution des commissions affaires européennes et économiques du Sénat de février 2019.

14 Cour des comptes européenne, 2018, « Régime de paiement de base en faveur des agriculteurs — le système fonctionne, mais il a un impact limité sur la simplification, le ciblage et la convergence des niveaux d’aide », rapport spécial.

15 Alors qu’actuellement, « le nombre de ces hectares donnant droits au paiement ne peut dépasser un maximum à fixer par les États membres sans pouvoir être supérieur à 30 hectares ou la taille moyenne des exploitations agricoles ».

16 Communication de la Commission européenne, « The Future of Food and Farming », Bruxelles, 29 novembre 2017

17 Matthews A., 2018, « Why capping will be a mirage » ( http://capreform.eu/why-capping-will-be-a-mirage/ )

18 http://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/113/vers-la-politique-agricole-commune-de-l-apres-2020

19 Avec cependant la prise en compte non plus de toutes les charges liées au travail, mais de 50% des salaires versés, ainsi que l’aide aux jeunes agriculteurs et l’aide redistributive, de façon facultative et non plus obligatoire pour les États-membres.

20 C’est du moins ce qu’il ressort de la version du 1er avril 2019 des amendements de compromis proposés par la rapporteuse de la COMAGRI, ce qui va à l’encontre de la plupart des articles et des communiqués écrits sur ce sujet.

21 Ces conditions comportent (i) les exigences réglementaires en matière de gestion (ERMG), qui recouvrent 18 normes législatives dans les domaines de l’environnement, de la sécurité alimentaire, de la santé animale et végétale et du bien-être des animaux, (ii) les exigences réglementaires en matière de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE), qui recouvrent un ensemble de normes concernant la protection des sols, la gestion de l’eau et les mesures visant à prévenir la détérioration des habitats.

22 Les Pays-Bas en profitent pour demander, du même coup, une plus faible conditionnalité environnementale (intervention de N. Van Opstal, Académie d’agriculture de France, 20 février 2019, Paris).

23 Règlement (UE) du parlement européen et du conseil No 1307/2013

24 égal à 5 % du montant alloué par État membre pour l’exercice 2027. Il faudra que les indicateurs de résultat appliqués aux objectifs environnementaux et climatiques du plan stratégique affichent au moins 90 % de leur valeur cible pour l’année 2025

25 C’est une précision qui avait été apportée par le texte appelé « Omnibus », apportant des modifications aux règlements de la PAC et adopté fin 2017, afin de faciliter la prise en compte des surfaces pastorales.

26 Comme auparavant, ces sommes transférées sont dépourvues de cofinancement obligatoire des Etats- membres.

27 La COMAGRI propose quant à elle que ce transfert soit limité à 5%, sauf pour la Croatie, La Pologne, la Slovaquie et la Hongrie.

28 40% des aides aux zones défavorisées pourront ainsi compter pour atteindre le seuil de 30% des aides 2nd pilier.

29 MAEC, soutien à l’agriculture biologique et l’agroforesterie, investissements visant des objectifs environnementaux, Leader… bénéficieront au contraire d’un cofinancement européen plus important, pour les favoriser.

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page