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Agriculture Stratégies publie une étude dont nous avons reproduit la synthèse ci-dessous. Cette étude traite de la stratégie française et européenne concernant ses surfaces céréalières
En 2019, la récolte de blé français a établi sa deuxième meilleure performance avec près de 39,5 millions de tonnes (Mt), talonnant le record de 2015 de 40,9 Mt. Ce succès est vite apparu en demi-teinte à la vue des prix bas proposés aux producteurs. Si la France est le premier exportateur européen de céréales vers les pays tiers, l’Union européenne a une balance équilibrée en céréales : aux exportations françaises répondent des importations par d’autres Etats-Membres. Si la filière française met généralement en avant ses exportations vers les pays tiers pour illustrer sa « vocation exportatrice », le premier débouché des céréales français reste le marché communautaire.
L’Union européenne importe pour près de 40 Mt d’oléo-protéagineux pour compenser son déficit en protéines végétales. L’histoire de la PAC et l’Accord de Blair House de 1992 expliquent le déséquilibre entre productions céréalières et cultures riches en protéines sur le territoire européen. En réponse à la déforestation de l’Amazonie, le Président Macron a mis en avant à l’issue du G7 de Biarritz l’objectif de limiter la dépendance protéinique de l’UE en augmentant la production d’oléo-protéagineux.
Comme la surface agricole européenne n’est pas extensible, ce développement se traduirait par un recul des surfaces en céréales, notamment en France. Ce repli céréalier ne doit pas être considéré comme négatif dans la mesure où, avec la PAC actuelle, les producteurs européens, contrairement à leurs homologues américains, ne disposent pas des filets de sécurité actifs nécessaires, telles les aides contracycliques, pour tenir face à la concurrence agressive des fronts pionniers des pays de la Mer Noire.
En outre, de nombreuses initiatives au sein de la filière céréalière montrent qu’un mouvement de différenciation/décommoditisation est en cours. D’après l’économiste Benoit Daviron, la décommoditisation s’entend comme le phénomène inverse à la commoditisation qui considère une matière première au regard de quelques caractéristiques basiques de façon à rendre substituable différentes origines et in fine à ne plus avoir à tenir compte de l’identité du producteur.
Ce mouvement tend à redonner de la valeur à la production ce qui peut conduire à exporter moins, mais mieux, libérant ainsi des surfaces en faveur de la production d’oléo-protéagineux. Cela ne signifie pas que l’UE et la France n’exporteront plus, notamment vers la rive sud de la Méditerranée. Mais plutôt que de rester dans un entre-deux entre marché et diplomatie, il semble pertinent d’aller au bout de la logique en réhabilitant des accords inter-étatiques. Ce serait l’occasion de mettre en œuvre les capacités de stockage suffisantes pour réserver une partie de la production afin de pouvoir honorer les engagements à l’exportation même en cas de mauvaise récolte comme en 2016.
Parce que le secteur de l’élevage est lui aussi concerné par le mouvement de décommoditisation, il est crucial que les acteurs des filières végétales répondent aux besoins croissants de différenciation de l’alimentation animale, sous peine de voir d’autres assurer ces approvisionnements.
Enfin, le phénomène de décommoditisation incite à considérer les différentiels de standards de production non pas comme des barrières non tarifaires au commerce mais comme l’expression de préférence sociétale en faveur de l’environnement. L’application de l’article 44 de la dernière loi issue des états généraux de l’alimentation qui interdit la vente de produits ne respectant pas les standards de production européen devrait accentuer la logique de décommoditisation à l’œuvre.
En conclusion, ces différentes évolutions sont convergentes et laissent à penser que les producteurs de grains ont tout intérêt à amplifier les évolutions en cours et à s’inscrire pleinement dans une stratégie de différenciation/décommoditisation.