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Newsletter n°50 : les bovins sur le grill, politiques environnementales pour l’agriculture, olives de table espagnoles, plan fruits et légumes

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Bonjour, 

L’élevage, cible favorite des ONG, vient de subir les attaques d’un acteur plus inattendu : la Cour des comptes, qui vient de publier un rapport centré sur les aides attribuées aux élevages bovins, considérées principalement sous le prisme climatique. Les recommandations auxquelles il aboutit ont fait grand bruit : construire une stratégie de réduction du cheptel bovin français pour parvenir à atteindre les objectifs de réduction du méthane, et accompagner les éleveurs les plus en difficulté vers la reconversion. Ces conclusions nous paraissent hâtives et bien éloignées du champ de compétences et des attributions de la Cour des Comptes, tout en ignorant totalement les effets de telles recommandations. Ainsi, la réduction du cheptel national n’aura pour conséquence qu’une augmentation de la part des exportations dans notre consommation, déjà observable puisque la consommation de viande bovine se réduit peu (elle a même augmenté en 2022 par rapport à l’année précédente) et que le cheptel est déjà en déclin. Le bilan carbone de l’opération sera catastrophique, puisque les émissions des vaches françaises sont parmi les plus faibles du monde, bien inférieures à la moyenne mondiale et que les éleveurs poursuivent leurs efforts pour les réduire ; les émissions issues de la viande importée (depuis le Mercosur ou l’Australie ?) seraient ainsi largement supérieures aux émissions produites localement pour une même quantité de viande consommée. Les aides spécifiques au secteur (le rapport ne faisant d’ailleurs aucune distinction entre aides découplées et couplées) existent car les prix agricoles ne sont pas suffisamment élevés pour permettre aux exploitations de s’en passer. Elles sont donc indispensables pour maintenir le lait et la viande accessible à l’ensemble de nos concitoyens et éviter la disparition des élevages. Une réduction de l’offre aura pour conséquence une augmentation des prix (déjà visible), faisant de ces produits animaux de qualité un luxe qu’une partie croissante de la population ne pourra plus s’offrir.

Les politiques environnementales ont des effets collatéraux multiples, c’est pourquoi leur conception doit être réservée aux organisations qui disposent d’une vision suffisamment éclairée, large, et anticipatrice, ce qui est le cas de bien peu des prescripteurs qui s’expriment sur ce sujet. Un rapport de l’OCDE récemment publié s’intéresse à l’efficacité des politiques environnementales pour le secteur agricole et pose une question qui a toute sa place dans les débats actuels : le verdissement de l’agriculture est-il compatible avec le degré actuel de libéralisation des échanges ? Comment les politiques publiques peuvent-elles accompagner le secteur agricole dans sa transition écologique dans le cadre du maintien des échanges internationaux ? Ce rapport catégorise les politiques entre instruments directs et indirects. Si les premiers sont vus comme plus efficaces, ils sont plus susceptibles d’avoir des effets secondaires négatifs sur le plan économique mais aussi environnemental, du fait du déplacement des pollutions, tandis que l’effet des instruments indirects sur les objectifs environnementaux ciblés est plus incertain, et/ou observable à plus long terme que les instruments directs. Il faudrait donc prioriser la conception de « politiques combinées », en considérant l’impact global de la mise en œuvre des différentes mesures, et associer les instruments directs, pour plus d’efficacité à court terme, et indirects, pour limiter les « dommages collatéraux » en termes de compétitivité et impliquer l’ensemble des acteurs, du monde agricole au citoyen, dans la réalisation de ces objectifs. Mais les efforts nationaux auront un impact limité sans une coopération entre Etats au niveau international, qui sera indispensable pour espérer un vrai changement…

…Changement qui ne semble pas à l’ordre du jour dans l’affaire des olives de table espagnoles qui oppose l’Union Européenne aux Etats-Unis. Il y a cinq ans, ces derniers ont mis en place des taxes antidumping et droits compensateurs sur les olives de table espagnoles, considérant qu’elles bénéficiaient d’aides de la PAC générant des distorsions de concurrence.  L’UE a porté l’affaire devant l’organe de règlement des différends (ORD) de l’OMC, qui lui a donné raison sur les droits compensateurs mais pas sur les taxes antidumping. Mais le réel enjeu de ce conflit, c’est la menace que fait porter la démarche des USA sur l’ensemble des aides découplées de la PAC, ouvrant la voie à une taxation de l’ensemble des produits agricoles européens exportés. Sur ce sujet, le rapport de l’ORD ne tranche pas en la faveur de l’UE, estimant notamment que les paiements découplés peuvent être source de dumping. Mais l’affaire ne s’arrête pas là : alors que les USA auraient du supprimer les droits compensateurs qu’ils avaient appliqués aux olives de table espagnoles pour se mettre en accord avec la réglementation internationale, ils les ont finalement maintenus, faisant peu de cas des règles de l’OMC et des conclusions de l’ORD. En réaction, l’UE a demandé la réouverture du dossier à l’ORD.

Retour en France, alors que trop peu de nos concitoyens atteignent les recommandations de santé publique en termes de consommation de fruits et légumes, la production du secteur diminue depuis une vingtaine d’années, entrainant une dépendance de plus en plus importante aux importations. Pour enrayer ces tendances, le gouvernement a lancé un ambitieux plan de souveraineté pour le secteur des fruits et légumes. Il vise à initier des changements structurels, en aidant les agriculteurs à diminuer leurs coûts de production et faire face au changement climatique, via une évolution de la règlementation, des aides à l’investissement et à la recherche, et en facilitant le recours au travail saisonnier. Une partie des actions proposées sont déjà en cours de mise en œuvre, mais le plan fait l’effort de balayer de nombreux enjeux et propose un cap clair orienté vers la remontée de la productivité et la modernisation des outils de production. Avec ses objectifs de moyen terme, à l’horizon 2030, il ne répond cependant pas aux difficultés conjoncturelles que la filière rencontre, ce qui risque de freiner la réalisation des actions nécessitant un cofinancement des producteurs à court terme.

Bonne lecture,

 

Jacques Carles, Président d’Agriculture Stratégies

 Le 30 mai 2023

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