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Les Etats-Unis de Donald Trump multiplient les décisions en faveur de l’agriculture américaine

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Si le nombre de tweets que le Président Trump a envoyé depuis le début de son mandat fait couler beaucoup d’encre, la multiplication des décisions prises en faveur de l’agriculture américaine laisse à penser que les autorités américaines sont bien à l’unisson pour venir en aide à des Farmers impactés par la déprime des marchés internationaux. L’accord conclu le 15 janvier 2020 avec la Chine pour porter ses importations de produits agricoles provenant des Etats-Unis à 40 milliards de dollars par an1 (contre environ 25 milliards en 2016) n’est en effet que le dernier épisode d’une longue série de mesures pour venir en aide à l’agriculture américaine. La récente révision de l’accord commercial nord-américain a été l’occasion de conforter les outils de régulation à l’œuvre sur le marché du sucre et sur celui du lait. Inédit pour des pays que l’on dit habituellement peu favorable aux indications géographiques, ce même accord prévoit la protection de la dénomination de certains spiritueux ! L’année 2019 aura également été marqué par le déploiement d’un nouveau train d’aides d’urgence de 16 milliards de dollars, par le renforcement des programmes contracycliques en place et par l’obligation donnée aux compagnies d’assurance de verser davantage aux producteurs touchés par les inondations. Preuve de l’efficacité de ces nouvelles mesures, les revenus agricoles américains ont progressé pour la troisième année consécutive.

La refonte de l’ALENA et l’accord avec le Japon

Depuis l’accession de Donald Trump à la présidence, les Etats-Unis n’ont de cesse de redéfinir la manière dont ils échangent avec le reste du monde, avec pour objectif affiché de réduire leur déficit commercial. Renonçant à l’Accord de Partenariat Transpacifique, et au Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP), le Président Trump a rapidement montré qu’il souhaitait redéfinir l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), dont le successeur, l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) ou USMCA, a été ratifié par le Congrès le 19 décembre dernier2.

Sur les sujets agricoles, les Etats-Unis ont obtenu des concessions non négligeables de la part de leurs voisins, notamment en ce qui concerne les échanges de produits laitiers avec le Canada. Les deux pays possèdent un système de commercialisation collectif permettant d’opérer une péréquation entre les différentes valorisations du lait. Ce système opère grâce à la définition de « classes » de produits laitiers, chacune correspondant à un type de valorisation. Le nouvel accord nord-américain a permis de rapprocher les deux systèmes, en supprimant la classe 7 canadienne nouvellement créée suite à la négociation du CETA avec l’Union européenne. Cette classe ne correspondait pas à un type de valorisation en soit, mais avait été créée par le Canada afin d’écouler les surplus à l’extérieur de leurs frontières en vendant du lait à un prix plus bas aux industriels en mesure d’exporter3. Directement concernés par la stratégie canadienne, les Etats-Unis ont obtenu la suppression de cette classe 7 qui aurait pu déstabiliser leur propre politique laitière. Il en est de même avec les importations mexicaines de sucre vers les Etats-Unis qui sont maintenant très encadrées – en quantité et en valeur – afin de ne pas déstabiliser le régime de quotas toujours à l’œuvre dans les plaines américaines4.

On notera également que l’accord contient des provisions concernant la reconnaissance d’appellations. Alors qu’il s’agit d’un important point d’achoppement avec l’Union européenne notamment, l’USMCA contient une clause protégeant certaines appellations d’alcools5 (différents types de Whisky, de Tequila ou encore de Mezcal) qui sont désormais reconnues par les trois pays et ne peuvent donc pas être utilisés en dehors de leur région de production historique. L’accord prévoit par ailleurs de futures négociations pour la protection d’autres appellations de spiritueux.

Un autre accord a également été mis en œuvre ce début d’année 2020, celui avec le Japon, un des plus importants importateurs de denrées alimentaires. Cet accord commercial prévoit des baisses des droits de douanes sur de nombreux produits agricoles américains, mais inclut également des mesures de sauvegarde prédéfinies afin de limiter l’effet dépressif sur le marché japonais. Ces mesures ne sont pas automatiques (le Japon doit faire le choix de les utiliser) et ne sont que temporaires, différant ainsi des contingents tarifaires classiques. Dans ce cas précis, les mesures de sauvegardes concernent le porc, le bœuf et les oranges, et peuvent être déclenchées à partir de seuils d’importations fixes en volume (respectivement 76, 60 et 26 milliers de tonnes). Entre la révision de l’ALENA et l’accord commercial avec le Japon, c’est le pragmatisme américain qui est bel et bien à l’œuvre : on se protège des prix plus bas et on ouvre à son avantage les frontières des pays importateurs.

Des aides d’urgence à l’agriculture

Au milieu du maelstrom commercial qui entoure toutes ces négociations, les agriculteurs n’ont pas été laissés sans garanties. Annoncé en mai 2019 et précisé en juillet, un nouveau volet d’aides d’urgence à l’agriculture de 16 milliards de dollars6 a été mis en place après celui de 12 milliards de dollars en 2018.

Ce programme d’aides se décompose en trois programmes : le cœur du soutien (90% du budget) consiste en des aides directes aux agriculteurs. Ce plan diffère de celui de 2018 qui ne proposait que des aides spécifiques à chaque type de production, et qui soutenait en particulier les producteurs de soja et de porc. Pour 2019, les producteurs laitiers recevront un paiement sur la base d’une production historique (de l’ordre de 5$/t), tandis que pour le porc le paiement sera fait en fonction du nombre de têtes présentes dans l’exploitation à une date choisie par l’agriculteur (environ 11$ par tête). Pour les grandes cultures en revanche, les aides versées ne seront plus spécifiques à chaque type de production, mais consisteront en des aides à l’hectare dont le montant est défini par canton, dans une fourchette de 37,5 à 375 $/ha (voir figure 1). Précisons que ces aides à l’hectare ne sont pas pérennes, contrairement au système européen, et ne sont qu’un complément aux aides contracycliques au cœur du Farm Bill.

Figure 1 : Montant des aides d’urgences à l’hectare par canton

Parallèlement à ces aides directes, un Programme d’Achat et de Distribution Alimentaire, qui complète le programme d’aide alimentaire interne, va mobiliser 9% du budget. Enfin, un Programme de Promotion des Echanges, pour développer l’ouverture de marchés à l’export (0.6% du budget) complète ce volet d’aides d’urgences.

Les résultats du Farm Bill 2018

Ces aides exceptionnelles s’ajoutent aux soutiens fournis par le Farm Bill via principalement des aides contracycliques, notamment pour les grains. L’année 2019 aura d’ailleurs vu le renforcement significatif du programme à l’œuvre pour le lait : le programme DMC (Dairy Margin Coverage) complète le revenu des agriculteurs quand le prix du lait passe en dessous d’un seuil qui peut atteindre jusqu’à 350€/t pour l’équivalent de la production des 215 premières vaches. Ainsi, ce dispositif cible en particulier les exploitations les plus petites. Il s’agit d’ores et déjà d’un succès, avec 82,4% des exploitations y ayant souscrit en 2019, et 47,2% des fermes laitières déjà inscrites pour 2020 début janvier.

Le Farm Bill inclut également des programmes d’assurance de deux types : des programmes d’assurance climatique et des programmes d’assurance revenu. En 2019, tous les souscripteurs des assurances de type « prevented planting » (empêchement de plantation) ont reçu un paiement supplémentaire de la part de leur assureur (de 10 à 15% selon les cas) négocié par l’USDA et financé par les 14 organismes d’assurance agréés7. Autrement dit, le gouvernement américain a décidé de compenser les inondations en ponctionnant les compagnies d’assurances.

Des revenus en hausse

Finalement, mis bout à bout, ces programmes devraient permettre aux revenus agricoles de progresser pour la troisième année consécutive aux Etats-Unis. Le revenu net des exploitations est en hausse de 10,2% par rapport à 2018 d’après les derniers chiffres de l’USDA8. Les secteurs du lait, du porc, du maïs et des légumes sont ceux qui progressent le plus, les produits volaillers, le soja et le blé ayant eu davantage de difficultés.

L’ensemble de ces dispositions sont révélatrices de l’état d’esprit qui règne aux Etats-Unis où le soutien à l’agriculture constitue l’objet d’un consensus important au Congrès. L’Union européenne peut-elle en dire autant ? Malheureusement non, la réactivité et le pragmatisme américains tranchent avec l’inertie et l’idéologie qui sévissent sur le vieux continent.

1 https://ustr.gov/sites/default/files/files/agreements/phase%20one%20agreement/Phase_One_Agreement-Ag_Summary_Short_Fact_Sheet.pdf

2 https://www.cnbc.com/2019/12/19/house-passes-trumps-usmca-trade-agreement.html

3 https://fas.org/sgp/crs/row/IF11149.pdf

4 https://www.agriculture-strategies.eu/2018/09/la-politique-sucriere-aux-etats-unis-un-pilotage-en-continu-du-marche-interieur/

5 https://ustr.gov/trade-agreements/free-trade-agreements/united-states-mexico-canada-agreement/fact-sheets/strengthening

6 https://apps.fas.usda.gov/newgainapi/api/Report/DownloadReportByFileName?fileName=Safeguards%20in%20US-Japan%20Trade%20Agreement_Tokyo_Japan_12-31-2019

7 https://www.rma.usda.gov/en/News-Room/Press/Press-Releases/2019-News/Producers-to-Receive-Automatic-Prevented-Planting-Top-Up-Payments

8 https://www.ers.usda.gov/topics/farm-economy/farm-sector-income-finances/highlights-from-the-farm-income-forecast/

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