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De la crise du Covid aux Présidentielles américaines : une pluie d’aide pour sécuriser le revenu… et le vote des farmers

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Depuis quelques temps, à l’approche des élections, on observe aux Etats-Unis une pluie d’aides de crise à destination directe des farmers. Au sein du pays qui a réussi à qualifier les paiements découplés européens aux olives de table espagnoles de « mesures de dumping », les aides à l’agriculture américaine battent des records. En plus des 10 milliards annuels d’aides directes et des 100 milliards d’aide alimentaire prévus annuellement au sein du Farm Bill, c’est au total 53 milliards de dollars qui ont été débloqués en 2020, s’ajoutant aux 24 milliards d’aides exceptionnelles annoncées les deux années précédentes.

Après l’annonce en 2018 d’un premier train d’aides exceptionnelles de 12 milliards, suivi en 2019 d’un second volet d’aides supplémentaires de 16 milliards de dollars afin de compenser la perte de certains marchés à l’export suite à la guerre commerciale engagée contre la Chine et l’Europe, l’administration Trump a offert une nouvelle vague d’aide en deux temps pour l’année 2020, baptisée Coronavirus Food Assistance Program (CFAP). Aux 16 nouveaux milliards débloqués en mai, auxquels s’ajoutaient 3 milliards pour le rachat de produits agricoles américains à destination de l’aide alimentaire[1], le gouvernement américain a annoncé le 18 septembre dernier une rallonge de 14 milliards d’aides directes supplémentaires[2]. Ces nouveaux soutiens directs au secteur agricole étaient justifiés selon le secrétaire à l’Agriculture, Sonny Perdue, par la nécessité d’assurer la sécurité alimentaire dans un contexte de marchés bouleversés par la crise sanitaire : “ Les communautés agricoles américaines sont résilientes, mais font toujours face à de nombreux défis en raison de la pandémie du Covid-19. Le président Trump démontre une fois de plus son engagement à garantir que les agriculteurs et les éleveurs américains restent en activité pour produire la nourriture, le carburant et les fibres dont l’Amérique a besoin pour prospérer”.

Ces fonds supplémentaires doivent ainsi permettre d’aider les agriculteurs américains à absorber la hausse des coûts liés à la pandémie… Alors que le rapport de la FAO sur les perspectives agricoles 2020-2029 estime que la pandémie n’aura pas d’impact majeur sur les secteurs des céréales, du sucre et du lait, et annonce même une nouvelle hausse record du commerce mondial de céréales. De même, le rapport Cyclope estime que les marchés agricoles sont peu affectés par le coronavirus. En revanche, le secteur de l’énergie a fortement été impacté par la pandémie, et le cours du pétrole a chuté, entrainant une baisse des prix des biocarburants et notamment de l’éthanol. Pour les producteurs de maïs, déjà impactés par les arbitrages Trump en faveur du pétrole qui ont pénalisé l’éthanol, c’est la double peine, dans un contexte où les prévisions de récolte avoisinent les 400 millions de tonnes, dont un tiers à destination de l’éthanol. Ce n’est donc pas un hasard le premier bénéficiaire de la deuxième vague du Coronavirus Food Assistance Program est le secteur du maïs et que les paiements ont lieu très rapidement après les annonces, juste avant les élections. On peut aussi noter que les Etats centraux du Midwest, où plus de 75% des électeurs ruraux avaient voté pour Donald Trump, sont particulièrement bien servis. En effet, bien que les agriculteurs ne représentent que 2% de la population, les Etats ruraux qui représentent 18% de l’électorat sont traditionnellement en faveur des Républicains.

Les aides directes à l’agriculture américaine vont donc atteindre plus de 51 milliards sur l’année 2020, soit 5 fois le budget annuel habituel. L’aide de crise, répartie entre le Market facilitation Program (MFP) pour les volets 2018 et 2019, et le Supplemental and ad hoc disaster assistance pour le Coronavirus Food Assistance Program (CFAP), y représente 80% (Fig. 1). Et ce budget américain n’intègre pas la part des soutiens indirects issus des programmes d’aide alimentaire ou de rachat de produits agricoles, d’un montant annuel de 100 milliards auxquels se sont ajoutés 20 milliards pour faire face à la crise Covid 19. A l’évidence, la stratégie américaine est efficace, puisque le revenu des agriculteurs (Net cash income) a augmenté pour atteindre son meilleur niveau depuis 2013 (Fig. 2).

Donald Trump avait fort à faire pour séduire des agriculteurs impactés par les effets de certaines de ses politiques. Les producteurs de maïs ont souffert des arbitrages en faveur du pétrole qui ont pénalisé l’éthanol. Et la guerre commerciale avec la Chine a pénalisé les exportations agricoles vers ce pays, jusqu’à que la position américaine s’assouplisse, permettant aux exportations de produits agricoles d’atteindre des niveaux records en aout et septembre 2020 vers la Chine.

Quand les Etats Unis parviennent à dépenser en un an 53 milliards d’aides de crise pour soutenir l’agriculture et les consommateurs, l’Union Européenne en prévoit 7,5 sur deux ans dans son plan de relance. Dans l’état actuel des négociations, l’enveloppe de crise de la future PAC, dotée de 400 millions annuels (pouvant se cumuler de façon pluri annuelle jusqu’à 1,5 milliards dans la proposition du Parlement Européen), apparaît lilliputienne et ne permettra pas d’atteindre les mêmes objectifs, à savoir la sécurisation du revenu des producteurs lorsque les marchés sont perturbés.

 

Jacques Carles, président d’Agriculture Stratégies

Alessandra Kirsch, directrice des Etudes d’Agriculture Stratégies

Le 06 novembre 2020

 

[1] https://www.usda.gov/media/press-releases/2020/05/19/usda-announces-details-direct-assistance-farmers-through

[2] https://www.usda.gov/media/press-releases/2020/09/18/usda-provide-additional-direct-assistance-farmers-and-ranchers

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