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Bonjour,
Si vous n’avez pas reçu notre dernière newsletter, vous pouvez la consulter ici, directement sur notre site ou en version PDF. On y parlait du projet d’Agriculture Stratégies de réforme de la PAC, de ciseau des prix, de néonicotinoïdes et des Pays-Bas.
Le CGAAER s’est penché sur un sujet épineux : le revenu agricole et la manière dont les pouvoirs publics peuvent le soutenir. En décortiquant les différents indicateurs du revenu, il montre que si le revenu agricole par actif a progressé depuis 30 ans, ce n’est que l’effet de la diminution du nombre d’exploitations et d’emplois, le revenu de la branche étant en baisse. Les exploitations ont investi pour être plus productives, pour compenser la baisse des prix agricoles. Pour produire un même niveau de richesse, il faut désormais davantage de capital par exploitation, ce qui pénalise la rentabilité des jeunes installés et complexifie les transmissions. Pour le soutenir, les politiques publiques peuvent agir sur deux déterminants essentiels du revenu agricole sur lesquels les agriculteurs n’ont pas la main : les marchés des produits et des intrants agricoles et alimentaires et les soutiens publics. Les politiques ont des marges de manœuvre importantes sur ces deux points : le niveau d’aides publiques est en diminution constante depuis 2003, et la PAC s’est désengagée de la régulation des marchés depuis les années 90. Le retour de la régulation des marchés dans les politiques agricoles apparaît pourtant indispensable pour stabiliser les marchés et maintenir le revenu agricole. Un prérequis pour améliorer l’attractivité du métier et assurer la transmission des exploitations, permettre aux agriculteurs à faire évoluer leur outil de production dans le cadre de la transition agro-écologique, et plus largement assurer la souveraineté alimentaire française.
Cette dernière notion est revenue sur le devant de la scène suite aux événements de ces dernières années. L’occasion pour FranceAgriMer de faire le point sur les indicateurs qui permettent de l’estimer, et de présenter en chiffres l’état de la souveraineté alimentaire française pour une trentaine de produits. Les résultats montrent que la France renforce ses positions sur le blé, l’orge, ou encore le lait en poudre. Les tendances sont plus inquiétantes pour certaines filières historiquement autosuffisantes, comme la volaille ou les fruits et légumes, dont la production interne ne permet plus de couvrir la consommation en France. Pour renverser la tendance, l’institut rappelle que « les atouts agricoles français, bien réels, sont le premier levier (voire le seul) de la souveraineté alimentaire ». Pour Agriculture Stratégies, ces questionnements sur la souveraineté alimentaire peuvent être l’occasion de réfléchir à nouveau l’espace européen : l’absence de barrière tarifaire entre les Etats-Membres doit permettre à l’UE d’assurer au mieux sa souveraineté alimentaire, en accompagnant progressivement les pays dans un rééquilibrage des productions, sans chercher à maximiser les avantages comparatifs, les théories ricardiennes devant s’adapter à une agriculture en recherche de transition agroécologique.
A une échelle plus large, l’UE poursuit son chemin vers une économie moins carbonée – elle vise la neutralité carbone en 2050. En décembre, des accords ont été trouvés sur deux nouvelles réglementations, l’une interdisant l’importation des produits issus de la déforestation (bois, viande bovine, palme…), et l’autre sur la mise en place d’une « taxe carbone aux frontières ». Ce second mécanisme vient compléter le marché du carbone européen en l’étendant aux matières premières importées dans l’UE, comme l’acier, le ciment ou les engrais. Ces deux textes visent à empêcher l’importation de produits peu respectueux de l’environnement, témoignant d’une volonté de l’UE d’exporter ses standards aux autres pays du monde. Si les agriculteurs européens ne sont pas directement concernés par ces réglementations, ils risquent de voir leurs coûts de production augmenter en raison de l’évolution des prix des produits importés, notamment des engrais, dont l’UE reste fortement dépendante des importations. A l’étranger, l’annonce de ces réglementations n’a pas fait l’unanimité, notamment dans les pays du Mercosur, qui voient l’interdiction de la déforestation importée comme un frein à la compétitivité de leurs produits. Une coopération mondiale semble pourtant indispensable pour que les mesures adoptées, qui portent sur des produits très présents sur les marchés mondiaux, soient efficaces.
Bonne lecture,
Jacques Carles, Président d’Agriculture Stratégies
Le 4 avril 2023